Bouhans et Feurg:
Toute une histoire !

Des origines bien anciennes

Le territoire de Bouhans et Feurg trouve son origine dès la préhistoire.

En effet, cette théorie s'appuie sur la découverte d'un atelier de tailleurs de pierres, d'une sépulture de l'âge de bronze moyen (des bracelets, des épingles et un rasoir en bronze y ont été retrouvé et sont actuellement exposés au musée de Besançon) ainsi que les vestiges d'une voie romaine reliant Mirebeau à Langres.

BOUHANS : EVENEMENTS CIVILS

L'existence d'une localité désignée dans les chartres par Boensis, Bodensis, Bodingis, ne remonte pas moins haut que le Vème siècle.
Elle figure dans la première formation du canton attuarien qui est également de cette époque ; la chronique de l'abbaye de Bèze fondée en 630, par Amalgaire Comte des Attuariens, porte que le duc de Bourgogne voyant la bonne conduite des religieux de cette abbaye naissante, sous la règle de Saint-Colomban(1), leur donna de nouvelles terres qu'il avait reçu du roi Dagobert. 

D'après l'Abbé Mouton, ce premier Bouhans aurait été construit au lieu dit Froment et aurait été détruit par les Normands en 888 et par les Hongrois en 947.
De plus, toujours selon l'Abbé Mouton, il y aurait eu, avant le VIIIème siècle, entre le ruisseau de Bouhans et le Chanois, une villa mérovingienne du nom de Crépone, qui fut également pillée lors des invasions normandes et hongroises puis entièrement détruite entre 1475 et 1490. Des vestiges de cette localité ont été retrouvés, ainsi que des restes d'armes et des vases.

Les habitants qui ont survécu à cette vague d'invasions ont construit le Bouhans actuel vers le XIème et XIIème siècle.
Les seigneurs de Bouhans ont été les mêmes que ceux d'Autrey, jusqu'à Hugues de Beaumont, qui vers 1142 donna sa seigneurie à l'abbaye de Bèze.
Depuis ce jour et jusqu'en 1790 l'Abbé de Bèze fut seigneur de Bouhans sous la suzeraineté des Seigneurs d'Autrey qui avaient la haute justice(2) sur les habitants de Bouhans.

Les habitants de Bouhans, au nombre de 16, devaient chaque année : mener dans la maison du seigneur une voiture de bois à prendre dans ses propres forêts la veille de Noël ; la dîme(3) ; un droit pour le moulin.
Les habitants de Bouhans devaient également défendre le seigneur d'Autrey en temps de guerre ; faire monte d'armes et revues, fournir aux dites guerres, gardes et tenues ; veiller aux réparations du château et entretenir le pont gissant.
Chaque année, à la Saint-Dizier (le 23 mai), les habitants de Bouhans étaient redevables au seigneur d'Autrey de 3 francs pour la retraite (le refuge) qu'ils avaient en ce lieu.

En 1569, Bouhans fut pillé et incendié par les troupes de Wolfgang, duc des Deux-Ponts.

En 1574, l'Abbé de Bèze affranchit les habitants de Bouhans de la mainmorte(4).

BOUHANS : EVENEMENTS RELIGIEUX


D'après la chronique de Bèze (vers 634), Bouhans possédait non seulement une église mais aussi des chapelles qui en dépendaient. Cette église a été détruite lors des différentes invasions de 888 et 947.

Avec la reconstruction de Bouhans vint la construction d'une chapelle, avec un chœur de style gothique ; puis en 1636, on y ajouta deux chapelles et un corps d'église avec un clocher. Devenue insuffisante pour la population, elle fut démolie et reconstruite entre 1863 et 1865. De style gothique et plus vaste, son aspect commande le respect : porte à la piété. Elle fut bénie le 13 mai 1866.

Bouhans a été des mêmes diocèses qu'Autrey. L'Eglise de Bouhans a été paroissiale et eut un prêtre pour elle seule jusqu'au Concordat de 1801 où elle a cessé d'être curiale et fut alors dépendante de l'église de Nantilly. Depuis 1865, elle est desservie par le curé d'Autrey. Son patron est Saint-Pierre-Ès-Liens.

Selon une tradition locale, il y aurait eu un couvent sur le territoire de Bouhans au lieu-dit Les Copinotes, mais cette théorie reste très partagée.

L'église de Bouhans possède quelques objets classés et inscrits à l'inventaire supplémentaire des Monuments Historiques.

Ce sont :

  • la statue de Sainte-Anne ;
  • la statue de Saint-Pierre-Ès-Liens ;
  • le cadran solaire qui sert de piédestal à la statue de St Pierre.

FEURG : EVENEMENTS CIVILS

Suivant la tradition, Feurg serait ancien.

En effet, des vestiges de constructions romaines, retrouvés dans les champs de Verfontaine, laissent penser que Feurg aurait été le siège d'une importante villa et aurait été de quelque importance.

Feurg fut détruit lors du passage des Normands et des Hongrois (entre 888 et 947).
La chronique de Bèze le fait reparaître en 1134.

Les seigneurs de Feurg furent les mêmes que ceux d'Autrey.

Les habitants de Feurg dépendaient donc du château d'Autrey et étaient donc voués aux mêmes servitudes que ceux de Bouhans(5).

En 1749, il avait pour seigneur un nommé Baulard.

Il eu pour successeur M. Charvin qui a relevé l'agriculture dans nos pays et a terminé sa carrière à Mantoche.

FEURG : EVENEMENTS RELIGIEUX

Le premier Feurg avait, en 634 et même avant, une chapelle qui fut détruite lors des invasions Normandes et Hongroises.

Feurg a fait partie de la paroisse de Bouhans jusqu'en 1806 ; mais il n'a été desservi par Bouhans que jusqu'en 1750.

Feurg possède une église bien proportionnée et bien tenue, construite du temps et par les soins de M. Charvin sur une ancienne chapelle dont il subsiste la base du clocher à deux contreforts et un grand portail en plein-cintre reposant sur de robustes pilastres à chanfrein.
Le portail a été muré au XIXème siècle pour ne laisser qu'une porte à linteau plat.
On y trouve un porche sous clocher, de forme ogival, représentant des restes de fresques murales.

De nombreux objets ont été classés par les Monuments Historiques ou inscrit à leur inventaire supplémentaire.

Ce sont :

  • Maitre-autel et son retable en stuc polychrome du XVIIIème siècle ;
  • Assomption de la Vierge, XIXème siècle ;
  • Statue de Saint-Pierre ;
  • Statue de Sainte-Catherine ;

Autel latéral droit et son retable avec ses trois statues ;

  • Autel latéral gauche et son retable avec ses trois statues ;
  • Tableau de l'Assomption de la Vierge, XVIIIème siècle ;
  • Statue de Sainte-Anne, en pierre polychromé, du XIIème siècle ;
  • Confessionnal en bois polychromé, XVIIIème siècle ;
  • Croix de procession en cuivre, XVIIIème siècle.

On y trouve aussi de nombreuses pierres tombales, certaines très anciennes.

L'église de Feurg a longtemps dépendu de l'abbaye de Theuley.

Elle est sous le patronage de l'Assomption de la Sainte-Vierge.

BOUHANS ET FEURG

Le 19 septembre 1806, suite à la signature du décret préfectoral de réunification, la commune de Bouhans et la commune de Feurg n'en font plus qu'une seule, tant sur le plan civil que sur le plan ecclésiastique, ce qui explique, qu'à Bouhans et Feurg l'on trouve un double patrimoine.

Comme tous les villages, Bouhans et Feurg à connu des jours heureux mais aussi des jours de tristesse.
Le pillage de Bouhans et Feurg les 18, 19 et 20 janvier 1871 furent parmi les plus tristes.

La France était alors en guerre contre la Prusse, et une partie de notre région était occupée. Depuis le 26 octobre 1870 des soldats prussiens se trouvaient à Bouhans, logés et nourris par les habitants sur réquisitions signées par le Maire.
Les 18, 19 et 20 janvier 1871, les officiers prussiens exigèrent soudain de la part de la commune des quantités d'avoine, de fourrage, de pain, de vin … telles qu'on aurait pu les trouver dans le canton.
La commune ne pouvant fournir les quantités exigées et les officiers croyant qu'il y avait mauvais vouloir de la commune donnèrent pour ordre aux soldats de se servir eux-mêmes, de prendre ce qui étaient à leur convenance, de maltraiter la population, de voler chevaux, voitures, linges, denrées de toutes sortes.

En 1872, la guerre étant finie et la paix revenue, le conseil municipal voulut dédommager, sur les fonds communaux, les habitants pour les pertes subies et prit une délibération afin de rembourser tous ceux qui avaient souffert du pillage.
Il fut alors procédé à un recensement de tout ce qui avait été détruit, volé ou pillé. Les pertes furent estimées à 52 936 Francs.
Le préfet refusa cette délibération sous prétexte que seules les réquisitions régulières faites avec l'accord du maire pouvaient faire l'objet d'un remboursement.
Cette décision causa un vif mécontentement dans le village, aussi, le Maire M. Claude Guyard, ne se tint pas pour battu, écrivit au préfet et tenta de lui démontrer qu'il n'y avait aucune différence à faire entre réquisitions régulières et pillages ; il termina son courrier ainsi :

"La commune doit payer, la commune peut payer, la commune veut payer."

LE FER A BOUHANS ET FEURG

Pendant une grande partie du XIXème siècle, du début jusque vers 1875, la commune à tiré une part importante de ses revenus par la vente du minerai de fer contenu en abondance dans le sol de ses bois communaux.

Que peut-on dire de ce minerai ?

C'est un minerai alluvionnaire(6), en grains, contenus dans une terre sableuse ou limoneuse dont on le sépare par lavage. Ce minerai était d'excellente qualité, très riche en fer. Il donnait une fonte fine, laquelle était transformée en un fer d'excellente qualité ; aussi, ce minerai était-il très convoité par les maîtres de forges qui se disputaient âprement le droit de l'extraire afin de le transformer.

Où trouvait-on du minerai de fer à Bouhans ?

Les bois les plus riches en minerai sont :

  • pour Bouhans : les coupes du Chanois, de Vaulemet, de la Bouloie, de la Corvée neuve ;
  • pour Feurg : la Vendue.

La surface à exploiter variait de 1 ha à 5 ha. La durée d'exploitation était généralement de 2 à 3 ans avec possibilité de prolongation.

Qui exploitait ?

Les maîtres de Forges, venus parfois de loin (Vy le Ferroux, Etravaux, Autrey, Échalonge, Loeuilley, Beaujeu, Dampierre sur Salon…) étaient autorisés à extraire du minerai dans les bois communaux. L'autorisation d'extraire était obtenue par l'enchère et selon les cours de la fonte et du fer. Le prix du mètre cube de minerai variait de 1,50 franc à 3 francs.

L'extraction du minerai était sévèrement réglementée. Quand un maître de forge avait obtenu le droit d'extraire le minerai, le conservateur des Eaux et des Forêts désignait un arpenteur pour délimiter la surface de la parcelle où l'extraction était permise.

L'exploitation se faisait à ciel ouvert.

L'exploitant s'engageait à :

  • ne pas dégrader le sol forestier ;
  • ne pas s'approprier les arbres et les souches de la parcelle soumise à extraction ;
  • enlever le minerai au fur et à mesure de l'extraction et le placer hors de la forêt, en tas rectangulaires d'un mètre de hauteur afin de faciliter le cubage ;
  • reboucher les excavations, niveler le terrain, le recouvrir de terre végétale conservée et repeupler les places endommagées par des semis et des repiquages selon les instructions du conservateur des Eaux et Forêts ;
  • payer à la commune une indemnité par mètre cube extrait, et une indemnité plus ou moins importante en fonction des dégâts causés par l'exploitation.

Cependant, une fois l'extraction terminée, les maîtres de forges oubliaient souvent leurs engagements, ce qui explique "les trous" plus ou moins profonds que l'on rencontre dans les bois de Bouhans et ses alentours. De plus, ils discutaient souvent le montant de l'indemnité due à la commune, ce qui entraînait parfois des procès interminables.

Qui extrayait le minerai ?

Les mineurs, qui commandés par un chef mineur travaillaient en équipe avec de simples outils (pelle, pioche, hâche, pic, panier …). Après avoir déboisé le sol, ils retiraient la terre végétale jusqu'à ce qu'ils trouvent la veine de minerai qui pouvait mesurer entre 2 et 4 mètres d'épaisseur. Ce minerai pioché remplissait les cuveaux(7) que l'on remontait à la surface.

Une fois le minerai extrait, il fallait le laver dans des lavoirs pour le séparer de la terre.

Il existait 3 types de lavoirs :

  • les lavoirs à bras : bassins où des hommes remuaient l'eau dans laquelle on avait jeté le minerai, l'eau entraînait la boue et les grains de minerai, plus lourds, se déposaient au fond ;
  • les patouillets : lavoirs dotés d'une roue à aube qui entraînait un axe sur lequel étaient fixées des barres qui agitaient l'eau et opéraient le même travail que les hommes du lavoir à bras ;
  • les lavoirs à chevaux : sortes de patouillets qui fonctionnaient non plus avec la force de l'eau mais par la force des chevaux. Ces lavoirs avaient l'avantage de travailler en tout temps.

Le lavage du minerai était souvent sources de discordes, voire de procès. En effet, malgré les bacs de décantation, les boues se déposaient dans le lit de la Soufroide qui débordait très facilement, noyant en aval, les prairies et les récoltes de limon. De plus, pour avoir une retenue d'eau plus importante, les propriétaires de lavoirs n'hésitaient pas à relever le niveau des barrages, ce qui entrainait en cas de crues des inondations en amont.

En 1830, selon les archives communales, la Soufroide, comptait 3 patouillets à roues, une dizaine de lavoir à bras et 2 lavoirs à chevaux. A Bouhans, environ un quart de la population de Bouhans et Feurg(8) vivait grâce à l'extraction du fer. Une forge pouvait employer jusqu'à plusieurs centaines d'ouvriers.

Le déclin :

Dans les années 1860, les maîtres de forges étaient si persuadés que la fonte produite au charbon de bois était la meilleure que très peu utilisèrent la houille dans leur établissement, si bien que le fer et la fonte produits en Lorraine et dans le Centre coûtent jusqu'à 50 % moins chers, ce qui va ruiner les forges Hautes-Saônoises.

La production de fonte et de fer en Hte-Saône(9) va chuter d'une manière vertigineuse. A partir de 1870, les hauts-fourneaux vont s'éteindre les uns après les autres, entraînant la disparition des ouvriers travaillant pour les maîtres de forges et entraînant ainsi la désertification rapide de Bouhans et Feurg.

Notes et Références

(1)- Règle de Saint-Colomban :

Saint-Colomban est un moine irlandais qui a évangélisé les populations campagnardes de Gaule, d'Helvétie et de Lombardie.
Il mit par écrit les principes sévères du monachisme irlandais à destination des monastères gaulois.
Cette règle est généralement jugée sévère, et comme insistant sur les mortifications. Elle s'articule autour d'une liste des devoirs du moine, découlant de dix vertus, et des punitions en cas de manquement à ces devoirs.

(2)- Haute Justice :

Le seigneur peut juger toutes les affaires et prononcer toutes les peines, dont la peine capitale.

(3)- Dîme :

Impôt multiséculaire versé à l'Eglise ou au seigneur du lieu qui était prélevé sur l'ensemble des produits agricoles (récoltes troupeau …) et qui en représentait le dixième. Cet impôt avait pour but de pourvoir à la paroisse de la seigneurie. Cet impôt disparut en 1789 avec l'abolition des privilèges.

(4)- Mainmorte :

La mainmorte est l'incapacité dont sont frappés les serfs en France au Moyen Âge. Son objectif était d'éviter que les biens soient passés à des personnes extérieures à la seigneurie. Durant sa vie, le serf jouissait librement de ses biens personnels ; il pouvait disposer de son manse avec la permission de son seigneur mais il était privé de la faculté de faire son testament et, à sa mort, ses biens revenaient à ses descendants directs (enfants) ou à son seigneur selon le principe : "Le serf mort, saisit le vif son seigneur".
Les biens de la mainmorte pouvaient aussi être acquis par des personnes morales, des congrégations religieuses ou par l'église en contrepartie d'une somme d'argent appelée "l'amortissement".
Assez fréquemment, la mainmorte ne s'appliquait pas. Le seigneur ne prenait qu'un seul objet mobilier ou une seule tête de bétail ou il acceptait le versement d'une taxe particulière par les héritiers.

(5) Servitudes :

  • la dîme ;
  • le droit au moulin ;
  • la voiture de bois la veille de Noël ;
  • défendre le seigneur des lieux en cas de guerre ;
  • réparer le château ;

(6)- Minerai alluvionnaire :

Substances minérales (métaux, pierres rares ou précieuses) contenues dans les sédiments (tels du sable, du limon, de la vase…), transportées par un cours d'eau qui se déposent dans les alluvions. Les alluvions peuvent se déposer dans le lit du court d'eau ou s'accumuler au point de rupture de pente.

(7)- Cuveaux :

Un cuveau contenait environ 50 à 60 kg de minerai.
En moyenne, 36 000 cuveaux étaient extraits de la mine, ce qui donnait, après lavage 6 000 cuveaux de minerai pur.
3 250 kg de minerai pur donnaient 1 000 kg de fonte et avec 130 kg de fonte on obtenait 100 kg de fer.

(8)- Population de Bouhans :

C'est dans les années 1836 à 1856 que Bouhans et Feurg fut le plus peuplé.

En 1851, la population comptait 587 habitants, dont 157 enfants.

  • 505 habitants à Bouhans ;
  • 82 habitants à Feurg.

Entre 1851 et 1881, Bouhans et Feurg a perdu près de 40 % de sa population, à cause du phylloxéra et de la fermeture progressive des hauts-fourneaux.

Variation de la population :

  • 1861 : 517 habitants ;
  • 1881 : 383 habitants ;
  • 1906 : 300 habitants ;
  • 1936 : 215 habitants ;
  • 1968 : 254 habitants ;
  • Aujourd'hui : 247 habitants.

(9)- Production de fonte et de fer en Hte-Saône :

  • 1856 : 35 374 tonnes ;
  • 1876 : 11 034 tonnes ;
  • 1886 : 1 579 tonnes.

Bibliographie

Bibliographie :

  • Histoire d'Autrey, de sa seigneurie et de ses dépendances ; P.-D. Mouton (curé de Poyans et membre de la Société Archéologique de Vesoul) ;
  • Bouhans, d'hier et d'aujourd'hui ; M. et Mme Bianchetti ;
  • Les archives municipales ;
  • L'histoire de France pour les nuls ; Jean-Joseph Julaud